Vendredi 12 décembre 2008
Position : 23°12 N
53°11 w
Cap : 242°
Vitesse : 7,4 kn
Garde-robe : GV 1 Ris, Foc 1
Distance au but : 630 Milles
Bonsoir!
Peu de faits marquants aujourd'hui, hormis le tragique constat que nous devons nous résoudre à abandonner les toasts à l'apéro, le stock de biscottes s'amenuisant... Je vais par contre vous raconter notre nuit délicate...
A force de labourer les océans à bord de notre gros Pen Duick, la nature nous a rappelé cette nuit quelques principes élémentaires. Premièrement, ne jamais être trop tranquille, et ne jamais imaginer que Dame Nature se laissera faire indéfiniment. Deuxièmement, rester prudent, la mer a un côté fourbe, et sait s'associer à notre ami le vent pour tout faire basculer et nous rappeler qui est le maître.
Pourquoi ces petites réflexions me direz-vous? Et bien c'est simple... Cette nuit, au lieu de récolter les fruits de notre dur labeur et de notre perpétuel labour sur les champs bosselés de l'Atlantique (38 tonnes lancées, quand même!), au lieu d'en récolter les fruits comme nous l'imaginions naïvement donc disais-je, c'est le grain qui nous a cueillis, se moquant bien des
conventions!
Sentant le quart un peu fébrile, nous bondissons de nos bannettes, mon ami Jacques et moi. Trois échanges de regard plus tard, c'est le Grand, heureux élu, qui enfile son ciré et monte sur le pont... Je patiente un peu dans le carré, histoire de voir comment vont tourner les évènements. Grand bien m'en a pris, puisqu'en moins d'une minute, mon camarade et co-skipper partait à l'abattée avec violence! Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas cette figure de style, c'est une des plus impressionnantes à réaliser, et elle est particulièrement redoutable, car elle
induit un empannage, soit un passage de la bôme toujours violent!
Le temps de rétablir le bateau, je fonce sur la drisse de grand-voile et me retrouve perchée sur la bôme dans une lutte désespérée pour descendre madame la GV, fort décidée à rester en l'air. C'est finalement moi qui ai gagné, non sans efforts, et après quelques moments d'apesanteur quand la GV m'emportait vers le haut plus que je ne la ramenais vers le bas... Le calme relatif est immédiatement revenu sur le pont.
Sous des trombes d'eau, j'ai donc ensuite procédé au recensement des victimes : basse filière cassée net, chariot de GV sorti du rail, butée de chariot arrachée, et retenue de bôme disparue. Après avoir pansé les blessés et remis un peu d'ordre dans ce joyeux bazar, le bilan s'amoindrit : basse filière HS, une vis cassée sur la butée, un réa disparu en mer (priez pour lui!), et le rail de fargue qui a rompu et donc sauvé la retenue de bôme (dieu le bénisse, sinon je crois qu'on y laissait au choix la bôme ou la grand-voile!).
Vous imaginez bien que cela ne nous a pas coupés dans notre élan, et nous avons donc réparé tout ça et renvoyé ce matin.
Stiren, je m'excuse, mais nous ne pouvons nous délester de notre vin, déjà que le grand me fait des pirouettes la nuit, si je le mets à l'eau on court à la catastrophe!!! Courage à Petite Lande et
Faiaoahe... et à tous prudence! Le joli grain qui nous a secoués cette nuit soufflait tout de même à plus de 45kn...
Nous filons donc joyeusement vers le Sud-Ouest depuis hier, à une vitesse convenable, et tentons désespérément de faire sécher nos vêtements. Tu parles d'une météo...alizés??? On a plutôt l'impression d'être punis... Depuis le début, pas une soirée qui n'ait fini avec un ciré, pour cause de froid, ou de pluie...
Bonne soirée à tous!
Salutations nautiques,
Juliette pour l'équipage de Pen Duick VI